M. Sarkozy préfère "adosser" GDF à la Sonatrach qu'à Suez
LE MONDE 12.03.07
A cinq semaines du premier tour de l'élection présidentielle, plus personne n'ose parier sur l'avenir de la fusion entre Gaz de France (GDF) et Suez lancée en février 2006 par le premier ministre, Dominique de Villepin. Ségolène Royal a annoncé qu'elle reviendrait sur la privatisation de GDF, préalable à sa fusion, l'UDF de François Bayrou a voté contre cette privatisation au Parlement et Nicolas Sarkozy privilégie un accord avec un pays producteur - l'Algérie - pour renforcer la sécurité d'approvisionnement de la France en gaz.
Le ministre de l'économie et des finances, Thierry Breton, assure, dans un entretien publié lundi par Les Echos, que le sommet européen sur l'énergie, vendredi 9 mars, a permis de conclure un accord permettant de ne "démanteler ni EDF ni GDF".
"Sur la délicate question de la séparation entre les producteurs d'électricité et de gaz d'un côté, les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de ces énergies de l'autre, nous avons obtenu ce que nous souhaitions : il n'y aura pas d'obligation que ces différents opérateurs aient des actionnaires distincts", se félicite M. Breton.
Au sujet de la réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre, M. Breton estime que "les pays qui, comme la France grâce au nucléaire, émettent déjà peu de gaz à effet de serre auront un avantage compétitif en ayant un peu d'avance".
"GDF est une entreprise qui achète du gaz mais qui n'en produit pas. Est-ce qu'il faut adosser cette entreprise qui achète sur un autre acheteur (comme Suez) ou est-ce qu'il faut réfléchir à un producteur, s'est demandé M. Sarkozy, jeudi 8 mars, sur France 2. Si j'étais président de la République, je pourrais aussi réfléchir si Gaz de France-Suez ou Gaz de France seul n'aurait pas intérêt à se tourner du côté des producteurs pour faire une grande entreprise qui produirait du gaz et le commercialiserait."
Si Suez et GDF ont refusé de commenter ces déclarations, les conseillers du candidat de l'UMP décrivent les fondements de sa démarche et ses pistes de réflexion.
Elles s'inscrivent, selon Patrick Devedjian, ex-ministre de l'industrie, dans une stratégie à plusieurs objectifs : renforcer les liens entre Paris et Alger ; soutenir davantage le développement de ce pays et du Maghreb pour "stabiliser l'immigration" ; "mettre le gaz algérien en concurrence avec le gaz russe", qui représente aujourd'hui près du quart de l'approvisionnement français (et bien davantage demain).
"Nous pourrions passer un accord de coopération dans le nucléaire civil", explique M. Devedjian. L'Algérie compte en effet construire des centrales pour le dessalement de l'eau de mer et la production d'électricité. EDF et Areva fourniraient leur savoir-faire. "En contrepartie, explique-t-il, nous pourrions avoir une relation privilégiée dans la fourniture de gaz pour sécuriser l'approvisionnement de la France et des pays européens."
La Sonatrach, entreprise publique algérienne des hydrocarbures, fournit déjà à la France 18 % de son gaz, ce qui fait de l'Algérie son troisième fournisseur derrière la Norvège (30 %) et la Russie (23 %). Or, celle-ci va ouvrir prochainement en France une filiale de distribution de gaz, comme l'a fait le géant russe Gazprom en novembre 2006. La Sonatrach entend aussi "participer aux travaux d'infrastructures" en Europe (stockage, gazoducs, terminaux méthaniers), a récemment expliqué le gouvernement algérien.
Cet accord sur un "grand groupe gazier euro-africain", pourrait associer les Néerlandais, indique M. Devedjian, et supposerait des liens capitalistiques entre la Sonatrach et GDF, qui n'aurait pas besoin d'être privatisé. Cette privatisation, votée en novembre au Parlement, attend toujours le décret d'application du gouvernement, bloqué sur le bureau du premier ministre.
A l'appui du "scénario algérien", M. Devedjian ajoute que "l'Etat français ne peut être pieds et poings liés à une décision des actionnaires de Suez, qui ne se sont toujours pas prononcés sur la fusion avec GDF". Le groupe gazier public pourrait rester dans le giron de l'Etat, permettant à M. Sarkozy de tenir l'engagement pris en 2004 de ne jamais réduire la part de l'Etat dans GDF à moins de 70 %. A la grande satisfaction de la CGT.
Un groupe né de la fusion Suez-GDF pourrait tout aussi bien nouer des alliances avec l'entreprise algérienne, nuance l'ancien ministre de l'industrie. C'est ce qu'explique aussi Thierry Breton, lundi, dans Les Echos. Le ministre de l'économie et des finances souligne que la fusion faite, "rien n'empêche ensuite de l'élargir encore, par exemple à un fournisseur de gaz".
L'hypothèse d'un pôle EDF-GDF a refait surface durant la campagne présidentielle. Dans le cadre d'une politique nationale de l'énergie, Mme Royal et M. Bayrou jugent qu'il faut garder le contrôle public de l'énergie. Un "rapprochement" des deux groupes s'impose, même s'il reste à en définir les contours économiques et juridiques pour le rendre compatible avec les exigences de la Commission européenne. Le Monde
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